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©IFAD/WCA Échanges avec les femmes de Saraf sur les effets du changement climatique et les techniques locales d’adaptation. |
Par Alice Brie
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©IFAD/Sarah Morgan femme allant remplir ses seaux d’eau au puits. |
Pour les femmes, responsables à la fois des tâches domestiques et agricoles, la raréfaction des ressources naturelles et ces changements climatiques augmentent directement leurs charges de travail. Pour les habitantes de Mébra par exemple, la perte du couvert forestier les contraint à commencer leur journée à 3 heures du matin pour la corvée de bois et la collecte d’eau. L’ensablement de la route à Saraf rend lui l’acheminement des marchandises au marché de plus en plus difficile pour les désignées vendeuses.
Au Tchad comme dans la plupart des pays d’Afrique, les femmes n’ont par ailleurs que très peu accès aux ressources économiques et productives qui leur permettraient de rebondir et diversifier leurs activités face aux aléas climatiques. Dans les régions du Centre Ouest, seuls les hommes bénéficient de la propriété des terres. Le droit coutumier empêche les femmes d'hériter de la terre ou du bétail parce qu'elles quittent le clan de leur père pour se marier. En conséquence, les droits sur les ressources productives sont concentrés essentiellement entre les mains des ménages dirigés par des hommes, tandis que les ménages dirigés par des femmes tirent beaucoup moins de revenus des activités agricoles. Ces ménages sont beaucoup plus exposés aux facteurs de risques notamment climatiques qui à la longue entrainent la faim.
Des actrices incontournables pour la protection de l’environnement et la lutte contre la dégradation des terres
Les effets produits par le changement climatique entrainent la mise en place de stratégies innovantes, développées par les femmes, afin de mieux s’adapter et indirectement de protéger leurs environnements. Établissant des liens entre la désertification des sols, l’augmentation du temps de travail nécessaire à la corvée de bois et la disparition du couvert forestiers, les habitantes de Moito et de Mébra ont mis en œuvre des techniques efficaces, qui permettent de restaurer la fertilité des sols et d’économiser la quantité de bois nécessaire au ménage.
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©IFAD/WCA, Agricultrice arrosant ses plants de salade grâce un puits maraicher financépar le PARSAT |
Les femmes plantent par exemple des arbres à proximité des cultures pour faire face à la désertification. Avec l’appui du PARSAT, elles intègrent plus particulièrement le rôle éco-systémique des arbres pour les sols grâce aux apports en matière organique et la régulation hydrologique qu’ils produisent. Des fagots de bois consommés, elles réutilisent le charbon afin de chauffer d’autres aliments, ce qui a pour effet de limiter l’usage de nouveaux fagots et indirectement de réduire leur impact sur les forêts avoisinantes. Elles établissent de même une planification détaillée de la répartition en eau par activité (cuisine, hygiène, de boisson) et les quantités nécessaires pour chacun des membres du ménage. Cela leur permet ainsi de réduire la quantité journalière d’eau prélevée, et surtout de limiter le nombre d’allers et retour jusqu’au forage. Dans certaines localités, les femmes observant une meilleure rétention des eaux de pluies dans les bas fonds, privilégient les travaux agricoles dans ces zones. Elles utilisent de même des semences à cycles courts ou précoces afin de s’adapter au démarrage tardif des pluies et obtenir de meilleurs rendements.
Soutenir l’autonomisation des agricultrices pour renforcer la résilience des ménages
Kadidja, elle, a pris sa décision juste après que son mari soit parti en exil. En novembre, elle a rejoint un groupement d’agriculteurs soutenu par le PARSAT. Kadidja voit dans cette organisation paysanne composée de 27 membres dont dix femmes, « un objectif commun » : une meilleure gestion des bénéfices à travers un système d’épargne communautaire, qui lui permettra de mieux investir dans sa parcelle, d’augmenter sa production et le revenu de son ménage. Au sein du groupement deux femmes possèdent un rôle clé : Safi Issa est la comptable et Kadidja elle même s’occupe de la vente de la production. Le projet formera ces femmes en particulier au leadership et à la prise de parole afin qu’elles intègrent le comité de gestion agricole du groupement et qu’il prenne mieux en compte les besoins de son groupement et celui des autres femmes.
Kadidja voit aussi dans le PARSAT l’opportunité d’obtenir des formations techniques et un accès à des technologies agricoles pour qu’elle puisse s’adapter au mieux aux nouvelles contraintes climatiques auxquelles son milieu agricole doit faire face. Le FEM (Fonds pour l’Environnement Mondial), le FIDA avec l’ASAP (Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne) appuieront à travers ce projet les ménages ruraux les plus vulnérables et en particulier les femmes afin d’accroître leur production agricole sur le long terme, de gérer les ressources naturelles et les écosystèmes agricoles de manière durable, mais aussi d’améliorer la conservation, la transformation et la commercialisation des produits animaux et agricoles, leur proposant ainsi des ressources complémentaires. L’approche est double puisque le projet inclut des mesures d’atténuation pour réduire les risques climatiques (notamment à travers la diffusion de données météorologiques), et des mesures d’adaptation afin de minimiser les effets du changement climatique. La combinaison de ces deux aspects permettra aux femmes d’améliorer leurs conditions d’existence et la sécurité alimentaire des ménages tout en leur donnant les moyens d’amortir l’impact de futurs chocs.
[1] Projet d’amélioration de la résilience des systèmes agricoles au Tchad.